Le texte qui suit a été rédigé par Laura Miller, professeure agrégée en architecture, Faculté d’architecture, d’aménagement paysager et de design Daniels et résumé par l’IRAC. Pour en savoir plus sur M. Markson et sa carrière prolifique, nous vous invitons à lire l’article de Mme Miller qui sera publié dans le numéro de mai du magazine Canadian Architect, ainsi que son livre intitulé Toronto’s Inclusive Modernity | The Architecture of Jerome Markson, Figure 1 Publishers, 2020.
L’œuvre de Jerome Markson, tant bâtie que projetée, est à la fois d’une grande qualité d’exécution et d’une grande portée. Elle couvre toute la gamme des types et des programmes de bâtiments qu’une firme d’architecture peut réaliser. Jerome Markson est connu pour ses résidences privées inventives dans la distribution des espaces et conçues avec soin, comme la résidence Moses (Hamilton); mais il est tout aussi connu pour de nombreux autres types de bâtiments, notamment pour ses immeubles résidentiels urbains toujours bien pensés et utilisant une riche palette de matériaux, comme la coopérative David B. Archter (Toronto); pour ses résidences pour personnes âgées innovantes, comme la résidence True Davidson (Toronto); pour ses établissements de santé d’avant-garde, comme le Group Health Centre (Sault-Sainte-Marie); et ses nombreux édifices culturels et communautaires, comme la Galerie d’art Frederick Horseman Varley de Markham (Unionville) et le Centre communautaire Cedarvale (Toronto). La longévité de la carrière de Markson témoigne de son engagement, de son dévouement et de ses réalisations extraordinaires en architecture pendant de nombreuses années. Elle témoigne également de la pertinence constante de son travail auprès de publics très diversifiés en périodes de grands changements et au fil du temps.
« À chaque étape de sa longue carrière, Jerome a soutenu la communauté du design architectural. Il a été le mentor de nombreux architectes qui ont contribué à la qualité et au caractère du cadre bâti », écrit Bruce Kuwabara, FRAIC, associé fondateur de la firme KPMB Architects. « Par son travail réfléchi et sa détermination, il a fait de Toronto une ville meilleure et plus cosmopolite dans laquelle la convivialité s’exprime par l’architecture. »
Jerome Markson est né à Toronto en 1929, de parents originaires de la Lituanie et de la Pologne. Les Markson habitaient près du marché Kensington, sur la rue Dundas, en face de l’emplacement actuel du portique du Musée des beaux-arts de l’Ontario conçu par Frank Gehry. La famille vivait à l’étage du bâtiment qui abritait le bureau du père de Markson, un médecin, au rez-de-chaussée. Les pâtés de maisons du quartier hébergeaient d’autres immigrants de l’Europe de l’Est, ainsi que des personnes qui avaient quitté le quartier « The Ward », un important « bidonville » à l’est de l’avenue Spadina. Le fait de voir ses voisins se débattre pour améliorer leur qualité de vie a profondément marqué le jeune Jerome dans son enfance.
Markson a entrepris ses études en architecture en 1948. Il faisait alors partie d’une nouvelle génération d’architectes juifs canadiens formés à l’Université de Toronto après la Deuxième Guerre mondiale. Il a passé l’été précédant sa dernière année d’études à l’école d’architecture à la Cranbrook Academy of Art, qu’Eliel Saarinen a dirigée pendant de nombreuses années. Les idées de Saarinen sur la relation essentielle de l’architecture avec la ville ont trouvé écho chez Markson. À Cranbrook, il a rencontré Mayta Silver, une céramiste de Winnipeg qui étudiait également à l’académie pour l’été. Ils se sont mariés à la fin des études de Jerome à l’Université de Toronto, en 1953, et ont dès lors entrepris un long voyage en Europe pour voir de près les projets d’Aalto, de Le Corbusier et de bien d’autres architectes de renom. À leur retour, Jerome a travaillé comme stagiaire dans les bureaux d’Eugene G. Faludi; James Murray; George Robb et Venchiarutti & Venchiarutti. Il a ouvert son cabinet, Jerome Markson Architect, en 1955, dans un contexte d’après-guerre marqué par une profonde transformation sociale, économique et physique au Canada.
L’urbaniste Macklin Hancock a résumé en peu de mots l’ambition de l’époque : « Le Canada a soudainement éclos, il voulait être moderne, il ne voulait pas être ancien … » L’architecture de Markson s’inscrit parmi les réalisations les plus importantes et les plus réputées de cette période cruciale du pays en devenir. Ses bâtiments présagent les changements majeurs dans les attitudes sociopolitiques, les politiques urbaines et les modes de production architecturale qui ont évolué dans la deuxième moitié du vingtième siècle au Canada et en Amérique du Nord. Imprégnée d’un niveau remarquable de qualité d’exécution et de caractère, son architecture reflète sa quête d’une expression plus ouverte et inclusive de la modernité qui s’étend sur des décennies.
Markson a exercé sa profession sous la dénomination Jerome Markson Architect jusqu’en 2015, à l’exception de deux périodes qui se sont chevauchées au cours desquelles il a été associé avec Ronji Borooah (de 1992 à 2005) et avec Ernie Hodgson (de 1992 à 1999).
Au cours de sa carrière, Markson a remporté plus de 50 prix de design pour ses projets d’architecture et d’urbanisme. Ses contributions importantes à l’architecture, à l’éducation en architecture et aux arts ont été maintes fois reconnues par des prix prestigieux. Il est fellow de l’Institut royal d’architecture du Canada; lauréat du Prix DaVinci de la Toronto Society of Architects; du Prix Arbor de l’Université de Toronto; et du Prix pour l’ensemble d’une carrière de l’Ontario Association of Architects. Ses réalisations ont fait l’objet de nombreuses publications et critiques dans des revues, des magazines et des journaux internationaux. Il a fait partie de jurys et de comités d’attribution de prix prestigieux, comme le jury de l’Hôtel de Ville de Mississauga et il a dirigé des organisations professionnelles comme la Toronto Society of Architects.
« Par cet hommage à Jerome Markson, l’IRAC reconnaît que l’architecture consiste aussi à édifier des villes et confirme que le prix est attribué pour l’ensemble d’une carrière de toute une vie », écrit le critique d’architecture Trevor Boddy, FRAIC. « Par sa modestie personnelle et professionnelle et son engagement à servir les diverses couches de la société et à améliorer nos villes de façon réfléchie, Jerome Markson incarne les meilleures valeurs canadiennes et il mérite pleinement cet honneur. »
La Médaille d’or de l’Institut royal d’architecture du Canada est la plus haute distinction décernée par l’Institut en reconnaissance d’une contribution importante et durable à l’architecture canadienne. Elle récompense un corpus de réalisations dont l’influence durable est démontrée par l’excellence en conception; l’excellence en recherche; ou l’excellence en enseignement. Elle tient compte de l’étendue et de la portée de l’expertise de la personne; de sa présence établie dans la sphère publique; de ses approches exemplaires à la durabilité de l’environnement; de son soutien et de sa promotion de la justice sociale; et de son engagement envers la future génération d’architectes.
L’œuvre bâtie exemplaire de Jerome Markson s’étend sur quelque soixante ans. Elle comprend des bâtiments d’échelles et de programmes variés se rapportant à la santé, à l’habitation, au foyer, à la communauté et à la vie civique et qui utilisent diverses palettes de matériaux dans une gamme de contextes différents. Sa carrière s’est déroulée avant les avancées technologiques actuelles en matière de durabilité des bâtiments. Pourtant, son architecture a mis en valeur des bâtiments patrimoniaux, a favorisé les déplacements à pied et a unifié la densité et l’humanité. Ce sont là de véritables principes de la durabilité.
Les réalisations de Markson illustrent son engagement de toute une vie en faveur de l’humanisme, de l’inclusion et de la générosité et nous enseignent des leçons précieuses sur le logement urbain et sa relation essentielle avec l’édification d’une ville. Son travail incarne un réel souci des personnes qui utiliseront ses projets et des collectivités dans lesquelles ils se situent. Bien des architectes qui veulent rendre hommage à un collègue qui se démarque dans la profession le qualifieront « d’architecte des architectes ». Jerome Markson mérite quant à lui très certainement le titre « d’architecte des urbanistes », un accomplissement probablement plus difficile et exceptionnel au sein de la profession.
Jury des prix annuels 2022