Le regretté architecte Claude Provencher a été le cofondateur de l’une des firmes d’architecture les plus importantes du Canada. Il est reconnu de longue date pour la qualité de ses projets et pour son sens inné de l’engagement. Considéré parmi les instigateurs de la nouvelle architecture urbaine de la fin des années 1970 au Canada, il a enrichi le patrimoine urbain bâti du Québec par ses nombreux projets d’envergure.
Né à Plessisville, une communauté rurale près de Trois-Rivières, Claude Provencher obtient son diplôme de l’Université de Montréal en 1974 et commence à travailler chez Papineau, Gérin-Lajoie, Leblanc Architectes, où il rencontre Michel Roy. En 1983, les deux architectes fondent la firme Provencher_Roy à Montréal. Pendant toute sa carrière, Claude Provencher pose un regard incisif sur sa ville d’adoption. Cette métropole, avec ses saisons distinctes et son fleuve Saint-Laurent toujours changeant, demeure une source d’inspiration.
Claude Provencher se distingue très tôt par ses propositions avant-gardistes. Il entreprend lui-même des projets, puis il persuade des bailleurs de fonds et des clients de se joindre à lui pour les réaliser. Ainsi, à la fin des années 1980, il entreprend une réflexion sur le sort d’un îlot délaissé occupant un site stratégique au cœur du Vieux-Montréal. Il imagine comment la ruelle existante pourrait être transformée en une longue cour linéaire, bordée de bâtiments patrimoniaux sur ses deux côtés et coiffée d’un puits de lumière. L’idée de redynamiser le site s’est concrétisée avec l’inauguration du Centre de commerce mondial de Montréal, un bâtiment fédérateur, en 1992.
L’architecte Norm Glouberman, qui fut un proche collaborateur de Claude Provencher depuis cette époque, se souvient que pour Claude, « la bonne architecture n’était pas seulement de créer des projets qui seraient publiés dans les magazines, mais des projets qui répondraient pleinement à toutes les exigences de leurs programmes. Parfois, les clients ou les autorités n’étaient pas d’accord avec sa détermination, mais la passion de Claude, sa persévérance et son approche collaborative, étayées par des arguments crédibles, lui permettaient généralement de surmonter les objections ».
Le Centre de commerce mondial est devenu un jalon majeur de ce qui constitue aujourd’hui le Quartier international de Montréal. Ce premier grand projet de réhabilitation d’un ensemble de bâtiments historiques a été l’un des plus importants projets des années 1990. En raison de la multitude de programmes et de services intégrés dans la forme de « gratte-ciel horizontal », le Centre a contribué à revitaliser la vie commerciale du quartier.
« Claude et moi partagions le même point de vue sur l’utilisation de la cause architecturale comme véhicule pour offrir un meilleur environnement aux citoyens », écrit Georges Adamczyk, professeur à l’École d’architecture de l’Université de Montréal. « On a souvent commenté et applaudi l’obsession créative de Claude Provencher pour offrir des espaces publics dans ses projets (atriums, passages, espaces holistiques), ce qui rappelle l’allégorie du “bon architecte” représentée dans la gravure sur bois de l’artiste Philibert de l’Orme. Fidèle à ses amitiés, fidèle à la cause de l’architecture et fidèle au public : voilà une définition simple du “bon architecte” au 21e siècle. »
Dans tous ses projets, Claude Provencher a placé les usagers au cœur de son travail. Il dessinait toujours des personnes dans ses esquisses et il favorisait les espaces propices aux rencontres spontanées et aux échanges. Plutôt que d’adhérer à un style en particulier, son langage architectural était vivant et nuancé, sensible aux préoccupations contemporaines d’une ville cosmopolite.
Les interventions de Claude Provencher au Musée des beaux-arts de Montréal sur une période 30 ans sont un autre exemple de son approche visionnaire. À la fin des années 1980, il a convaincu le Musée de ne pas bâtir une annexe dans le Vieux-Montréal et lui a plutôt conseillé de consolider les agrandissements prévus dans l’environnement original de l’institution, le long de la rue Sherbrooke, et de construire un passage souterrain pour relier les pavillons.
En 2008, sa firme est retenue pour concevoir le nouveau pavillon d’art québécois et canadien Claire et Marc Bourgie, un bâtiment de six étages, et pour réhabiliter l’église Erskine en une salle de concert. La conception a été orientée par la volonté d’intégrer le nouveau bâtiment dans son contexte urbain et d’assurer la continuité et la fluidité entre les divers pavillons situés de part et d’autre de la rue Sherbrooke, très achalandée. Le passage souterrain qui relie le complexe muséal a été conçu pour transcender son rôle de lien fonctionnel et devenir un élément muséal à part entière : large, bien éclairé et doté d’un espace d’exposition, il offre aux visiteurs une expérience ininterrompue de l’art. Au niveau de la rue, Claude Provencher a poursuivi sur le thème de la fluidité en ouvrant le musée sur la rue pour optimiser l’inclusion et l’accessibilité. Un jardin de sculptures ancre le centre culturel dans l’espace public et l’ouvre sur le quartier. En été, l’avenue du Musée devient une zone piétonne animée et une galerie extérieure accueillant des installations et des événements temporaires et insufflant une nouvelle vocation publique à l’espace.
Engagé dans la responsabilité environnementale en milieu urbain, Claude Provencher a collaboré en 2014 au plan directeur du Technopôle Angus, qui visait à atteindre les plus hauts standards possibles en matière de développement durable dans la revitalisation de ce grand secteur de l’est de Montréal. « Le développement de la phase 2 du projet du Technopôle Angus est né de notre vision commune, à Claude et moi, de créer un espace de vie à usages mixtes qui favorise les liens avec la communauté environnante », se souvient Christian Yaccarini, président et chef de la direction de la Société de développement Angus. « Le mandat a été élaboré pour soutenir la construction de bâtiments écologiques, la création d’emplois de qualité, le développement d’une économie sociale et l’accès à la propriété et au logement à un prix abordable. La phase 2 du Technopôle Angus a été maintes fois primée et a obtenu la certification LEED pour aménagement de quartier de niveau Platine. Le projet est aujourd’hui considéré comme une référence en matière de développement responsable dans diverses sphères politiques, universitaires et socioéconomiques. »
Provencher_Roy continue d’adopter une approche holistique au développement durable et de concevoir des projets qui minimisent l’impact environnemental, renforcent les économies locales, enrichissent les collectivités et optimisent la valeur des infrastructures existantes.
Claude Provencher était un professionnel engagé, mais il était aussi un citoyen engagé et un philanthrope à Montréal, au Québec et au Canada. Il a été membre actif de diverses associations professionnelles. Il a notamment été intronisé comme fellow de l’Institut royal d’architecture du Canada en 2000 pour ses contributions exemplaires à la profession et il a été reçu membre de l’Académie royale des arts du Canada en 2014 pour son rôle de leader dans la communauté, et chevalier de l’Ordre national du Québec en 2021 pour son profond sens de l’engagement et la passion qu’il porta à son métier.
Il a également été vice-président du Comité consultatif de l’urbanisme, du design et de l’immobilier de la Commission de la capitale nationale à Ottawa (de 1999 à 2011); commissaire et membre du comité des avis au Conseil du patrimoine culturel du Québec (de 2008 à 2022); et membre du conseil d’administration de la Conférence canadienne des arts et d’Héritage Montréal. Ses contributions à long terme au développement de l’architecture ont laissé leurs marques dans tout le pays, grâce aux conseils qu’il a prodigués à des acteurs majeurs de son domaine dans le cadre de projets importants. Sa participation à des comités d’experts lui a permis d’aider à définir l’architecture de demain, tout en transmettant l’importance de son art dans la vie quotidienne de ses contemporains.
La firme que Claude Provencher a cofondée est encore en activité grâce à une nouvelle génération d’associés qui partagent son engagement et ses valeurs.
Pionnier de l’architecture urbaine moderne au Canada, le regretté Claude Provencher a contribué aux environnements physiques de sa ville de Montréal qu’il aimait tant, ainsi qu’à l’idée de ce qu’une ville pourrait et devrait être. Avec une approche multidisciplinaire à la réalisation d’un projet, Claude Provencher est connu pour avoir réalisé des projets ambitieux de grande envergure qui témoignent à la fois d’une innovation architecturale et d’une sensibilité au lieu. Ses réalisations sont imprégnées de son sens de la communauté. Ses projets réfléchis, souvent lyriques, tout comme le soutien qu’il a apporté à des générations d’étudiants et de jeunes praticiens témoignent quant à eux de sa générosité d’esprit.
En parallèle à sa pratique professionnelle exemplaire qui s’est échelonnée sur plus de quarante ans, Claude Provencher a fait preuve d’un niveau exceptionnel de service à la communauté architecturale et à la profession d’architecte au Canada. Son action de sensibilisation au rôle de l’architecte et de la profession à une époque de grands changements et ses positions progressistes à l’égard du patrimoine ont stimulé la pratique contemporaine de l’architecture au Québec et au Canada.
Le jury reconnaît la générosité de Claude Provencher et son implication auprès de plusieurs comités importants pour l’avancement d’une architecture de qualité. Il a notamment occupé des postes clés au sein d’Héritage Montréal, de la Conférence canadienne des arts et de plusieurs universités dans lesquelles il a mis en place des stratégies visant à prioriser la qualité de l’architecture. Le jury est particulièrement sensible à son travail auprès de l’Association des architectes en pratique privée du Québec, du Conseil du patrimoine culturel du Québec et du Comité consultatif de l’urbanisme, du design et de l’immobilier de la Commission de la capitale nationale.
Claude Provencher – architecte, enseignant, mentor, collègue – a rehaussé la qualité et la notoriété de l’architecture à Montréal, au Québec et au Canada. Toute sa vie, il a fait preuve d’un engagement à bâtir et à plaider en faveur d’une amélioration des conditions, de la reconnaissance et des opportunités pour la profession. Sur ces deux plans, il laisse un héritage qui aura un impact durable sur la profession d’architecte au Canada.
Jury des prix annuels 2023