2025 Prix du XXe siècle | Institut royal d'architecture du Canada

2025 Prix du XXe siècle

6 Acres / Imrie House
Edmonton,
AB
Catégorie de prix: 
Prix du XXe siècle
Wallbridge & Imrie Architects




Texte par Dr. Inderbir Singh Riar, BA, M.Arch, PhD, membre du comité d'experts du Prix du XXe siècle



Les architectes Jean Louise Emberley Wallbridge (1912-1979) et Mary Louise Imrie (1918-1988) ont réalisé leur maison-atelier Six Acres à Edmonton, en 1958. Le bâtiment demeure un exemple important du modernisme canadien qui vise à établir un lien avec la nature, à favoriser le confort domestique et à soutenir la créativité. Ces trois idéaux s’entremêlent dans le plan d’étage remarquablement compact, animé par de larges vues sur la rivière Saskatchewan Nord. Une grille de poutres et poteaux de quatre pieds crée un plan ouvert, enrichi par des murs en moellons. Des chevrons en bois apparents encadrent des fenêtres à claire-voie et descendent doucement au-delà de vastes surfaces vitrées. La disposition lumineuse et efficace place les espaces d’habitation de Wallbridge et Imrie à l’étage principal et leur atelier au sous-sol. Déterminées, les architectes ont elles-mêmes construit une grande partie de ce qui était à l’origine une résidence secondaire et qui est devenu leur lieu de vie et de travail à temps plein.
 
En ayant leur atelier à domicile, Wallbridge et Imrie ont pu exercer en toute indépendance une profession dominée par les hommes et faire évoluer leur carrière comme elles l’entendaient. Elles ont été parmi les premières femmes à étudier l’architecture à la fin des années 1930, à l’époque où les écoles canadiennes ont adopté les principes modernistes. C’était aussi l’époque où les pénuries de main-d’œuvre en temps de guerre ont ouvert des postes sélectifs aux femmes dans certains domaines, notamment en urbanisme. Wallbridge et Imrie ont trouvé des emplois au sein du service d’inspection des bâtiments d’Edmonton. En 1947, elles ont demandé un congé pour voyager en Grande-Bretagne, en Pologne et en Tchécoslovaquie afin d’y observer les efforts de reconstruction. Leur récit de voyage publié dans le Journal du Royal Canadian Institute of Architecture a été l’un des premiers comptes rendus détaillés des villes nouvelles en Grande-Bretagne. Elles y faisaient l’éloge de la capacité des architectes britanniques à concilier les approches scientifiques et pratiques tout en portant attention à la nature et à l’histoire. L’intérêt de Wallbridge et Imrie pour l’avant-garde du modernisme les a amenées à faire des reportages en Amérique latine en 1950, dans le cadre d’un voyage audacieux qui les a amenées d’Edmonton et Buenos Aires en voiture. Elles ont plus tard publié des reportages en provenance d’Asie, après avoir été témoins de la reconstruction d’Hiroshima par Kenzo Tange et avoir vu naître Chandigarh, la capitale du Penjab postcolonial, de Le Corbusier. 
 
L’exposition au modernisme héroïque n’a toutefois pas défini Six Acres. La taille limitée de la maison-atelier témoigne de la prédilection de Wallbridge et Imrie pour une architecture discrète dans un paysage puissant. Les liens entre les espaces intérieurs et extérieurs découlent de l’amour commun des conceptrices pour le plein air et de leur passion pour le canoë et le camping. Ils témoignent aussi d’un attachement à la rudesse du paysage et à l’indépendance qui cadre bien avec le fait qu’Imrie a rejeté la station huppée dans laquelle elle est née. Le repli sur la nature qui en résulte, un sentiment amplifié par l’étendue du site, reflète peut-être aussi le statut particulier d’Imrie et de Wallbridge, qui étaient partenaires au travail et dans la vie à une époque plus conservatrice, mais dont elles n’étaient pas exclues. Elles ont en effet attiré des admirateurs et des amis dans les milieux d’affaires et professionnels et elles ont créé leur firme en 1950 avec des commandes d’immeubles de bureaux et d’appartements. La plupart de leurs projets étaient toutefois des maisons privées, caractérisées par des plans serrés et conçues pour optimiser l’accès des occupants à des vues panoramiques. Leur succès résidait dans leur souci de rendre leurs clients heureux dans leurs maisons. C’est aussi cet engagement qui distingue Six Acres et en fait une œuvre exemplaire du modernisme de la classe moyenne du milieu du siècle dernier. À l’instar des Case Study Houses de Los Angeles ou des maisons usoniennes de Frank Lloyd Wright, Six Acres fait des moyens modestes et des matériaux honnêtes son credo moral.
 
 
Commentaire(s) du jury: 
Bernard Flaman, SAA, FRAIC: La liste des lauréats précédents du Prix du XXe siècle compte de nombreuses icônes de l’architecture canadienne. En même temps, le panel d’experts est d’avis qu’il doit y avoir une représentation plus large des genres, des origines ethniques et de l’époque (représentant l’ensemble du XXe siècle). Six Acres, bien que modeste, représente un projet de la première firme d’architectes au Canada dirigée par deux femmes, fondée en 1950. Leur maison-atelier, construite entre 1954 et 1957, s’inscrivait dans la tendance des maisons modernistes de l’époque, avec des toits plats et de grandes fenêtres, dans ce cas-ci, donnant sur un site spectaculaire surplombant la rivière Saskatchewan Nord. Elle se distingue également par l’expression des nuances de leur partenariat à la fois professionnel et personnel.
 
Dr. Inderbir Singh Riar, BA, M.Arch, PhD: Créant un équilibre entre le monde intérieur du confort domestique et le monde extérieur de la vie professionnelle, Six Acres représente un exemple salutaire du modernisme de la classe moyenne canadienne au milieu du siècle dernier. Le plan d’étage compact promeut le rêve moderniste d’une vie facile et efficace et l’enrichit par l’expression matérielle et la lumière naturelle. La vue sur la rivière Saskatchewan Nord souligne un désir canadien profondément ancré de vivre en communion avec la nature. Six Acres témoigne par-dessus tout du travail de deux architectes pionnières qui ont réussi à s’imposer à une époque marquée d’une part par le progrès social de l’après-guerre et d’autre part par des obstacles résiduels à la participation au discours et à la pratique du design.
 
Dr. Dustin Valen, BEDS, MArch, PhD:Cette modeste maison cache l’histoire fascinante de ses conceptrices et leur rôle de pionnières en tant que femmes architectes dans une profession dominée par les hommes au milieu du siècle dernier. En plus d’avoir fondé une firme prospère, Wallbridge et Imrie ont abattu les barrières en voyageant à travers le monde et en écrivant sur leurs expériences dans les pages du JRAIC. La maison du couple, Six Acres, qui servait à la fois de résidence et d’atelier, souligne la remarquable capacité des architectes à concilier vie professionnelle et vie personnelle à une époque où la discrimination de genre restait un obstacle titanesque à l’essor des femmes dans le domaine. La conversation sur la nécessité d’une plus grande égalité en architecture se poursuit d’ailleurs encore aujourd’hui.
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Dessins de la résidence Imrie
Archives provinciales de l’Alberta, PR1988.0290.0485.15
Vue sur l’extérieur
Archives provinciales de l’Alberta, PR1988.0290.0768
Séjour
Archives provinciales de l’Alberta, PR1988.0290.0773
Salle à dessin
Archives provinciales de l’Alberta, PR1988.0290.0777
Salle à manger
Archives provinciales de l’Alberta, PR1988.0290.0776
Photo de Wallbridge et Imrie
Archives provinciales de l’Alberta, PR1988.0290.0901