Les Catalyseurs de Changement de L'IRAC – Olivia Keung | Institut royal d'architecture du Canada

Les Catalyseurs de Changement de L'IRAC – Olivia Keung

Avril 2024

Pour célébrer des bénévoles de l’IRAC et leur rendre hommage, nous avons le plaisir de vous présenter Olivia Keung, B.E.S., M. Arch., OAA, MRAIC, CPHD et membre du Comité sur la promotion de l’équité et de la justice de l’IRAC.  

Merci, Olivia! 

 

Pourquoi avez-vous décidé de devenir architecte?  

Pendant mes études secondaires, ma famille a déménagé à Hong Kong et à l’âge que j’avais alors, ce fut un éveil intellectuel pour moi qui avais grandi dans une banlieue tranquille près de Toronto. À cette époque, les personnes et les idées provenant des quatre coins du monde convergeaient en grand nombre à Hong Kong. L’architecture est la construction de ces systèmes sociaux complexes et aujourd’hui, je suis toujours fascinée par les villes, grandes et petites, tant pour la façon dont elles créent des collisions entre différents types de personnes que pour la façon dont un bon système de transport en commun peut ouvrir l’accès et les possibilités aux jeunes et aux personnes âgées et la façon dont les lieux de rassemblement permettent les échanges spontanés d’idées et de cultures. 

Depuis combien de temps êtes-vous membre de l’IRAC et qu’elle est la valeur de votre adhésion à vos yeux?

Je suis membre de l’IRAC depuis cinq ans. Le fait de m’être jointe à la firme Moriyama Teshima à cette époque m’a vraiment incitée à réfléchir à la valeur de l’adhésion. Dans cette première année, nous avons contribué à l’organisation de la cérémonie de remise du Prix international de l’IRAC qui avait été créé par Raymond Moriyama en collaboration avec l’IRAC. Ce Prix célèbre l’architecture qui est « socialement transformatrice » et qui illustre les principes de l’inclusion, de l’égalité et de la justice sociale. Je pense que l’héritage de Raymond à travers le Prix a été de générer cette conversation continue sur ce qui fait de la grande architecture et ce qui est important en architecture. Sa vision, pleine d’humilité et d’espoir, inspire une conversation très différente de celle du prestigieux Prix Pritzker qui célèbre un architecte individuel pour l’ensemble de ses réalisations, son talent et sa vision.

Pour moi, être une membre active de l’IRAC est une occasion et une responsabilité de participer à ce dialogue continu sur ce qui constitue de la bonne architecture et d’échanger avec d’autres architectes sur les questions qui devraient être au cœur de ce dialogue. 

Pourquoi êtes-vous bénévole pour l’IRAC?  

Parce que l’action collective est à la fois stimulante et gratifiante. J’ai commencé comme bénévole en tant que membre du Comité consultatif pour la promotion de l’équité et de la justice, puis j’ai été nommée pour assumer un rôle de liaison avec le Comité directeur sur le plan d’engagement et d’habilitation en matière d’action climatique, en faisant le lien entre ces questions d’importance. Les personnes avec lesquelles j’ai travaillé dans le cadre de ces deux comités sont toutes talentueuses, passionnées et énergiques. Tout le monde ici travaille fort pour créer un changement significatif en s’impliquant bénévolement et je suis bien fière de faire partie de ce groupe. 

Qu’est-ce que vous trouvez le plus difficile dans votre travail comme architecte?  

Les architectes sont des généralistes, ce qui signifie qu’ils doivent être capables d’examiner un même problème sous différents angles, qu’ils soient techniques, sociaux ou environnementaux. Il ne fait aucun doute que les plus grands problèmes auxquels nous sommes confrontés aujourd’hui sont la résilience face au changement climatique, ainsi que le renforcement de l’équité par l’abordabilité du logement et les infrastructures sociales nécessaires pour que ces nouvelles communautés soient prospères et résilientes. Les architectes sont capables de faire le lien entre des aspects différents qui se chevauchent et ils pourraient voir dans l’ampleur du défi de l’accessibilité une occasion de stimuler l’innovation dans la conception à faibles émissions de carbone. Il faut construire vingt-deux millions de logements d’ici 2030 et nous avons les connaissances et la technologie nécessaires pour y parvenir de manière durable. Les architectes peuvent apporter une contribution importante à la recherche de solutions.

Pourquoi ce domaine de plaidoyer est-il important pour vous?  

L’action climatique et l’EDI sont interreliées. Dans mon travail dans le domaine de la conception sobre en carbone, je suis souvent la seule femme ou la seule personne racialisée dans l’équipe et cela indique qu’il manque des points de vue essentiels dans notre discours. Aujourd’hui, nous avons un urgent besoin de la participation de chacun pour agir à l’échelle et au rythme qui sont nécessaires pour répondre efficacement à l’urgence climatique. Cela signifie que nous devons penser beaucoup plus aux obstacles présents dans la culture de la conception durable et à ce que nous pouvons faire pour les éliminer. 

À votre avis, quels sont les facteurs qui vont le plus changer ou orienter la pratique au cours des cinq prochaines années?

La prise en compte du cycle de vie de nos bâtiments et de l’impact de leur carbone intrinsèque est plus qu’un exercice comptable, elle représente un changement fondamental de valeurs. Il y a cinq ans, l’expression « zéro carbone » renvoyait à l’ajout de matériaux, comme les produits d’isolation et le vitrage, pour réduire la consommation d’énergie d’un bâtiment. Aujourd’hui, la prise en compte du carbone initial nous apprend à consommer moins, par principe. Dans cette optique, nous comprenons également que la démolition est un geste nocif et gaspilleur et que nous devons nous éloigner d’une culture où l’on privilégie toujours le neuf. L’architecte danois Henning Larsen a souligné que la moitié des déchets solides dans le monde proviennent des déchets de construction et que 90 % d’entre eux proviennent de la démolition. Contrairement à la démolition, la préservation est un geste qui demande du temps, de l’attention et de la précision. Ce sont des valeurs qui deviendront de plus en plus importantes au fur et à mesure que nous évoluerons vers une économie régénératrice. 

Selon vous, quel rôle l’IRAC et les architectes peuvent-ils jouer dans les domaines de l’action climatique, de la vérité et de la réconciliation et de la réforme de l’approvisionnement, entre autres questions d’importance?

Il est important que l’IRAC continue de servir de vecteur pour rassembler et amplifier les voix des architectes autochtones. Les intervenants autochtones présents au Congrès sur l’architecture d’octobre dernier nous ont clairement fait entendre que l’action climatique et la vérité et la réconciliation ne sont pas des questions distinctes. Elles concernent toutes deux notre responsabilité de protéger la terre et les générations futures, ce qui commence par la reconnaissance de notre profonde négligence à l’égard de ces responsabilités. Le rôle de l’IRAC est de continuer à s’appuyer sur cette approche intégrative à l’égard des principaux enjeux, car c’est ainsi que nous pourrons créer un véritable changement structurel, et pas seulement un changement progressif, et que nous comprendrons fondamentalement comment nous en sommes arrivés là en premier lieu.    

Qu’est-ce que vous aimez en dehors de l’architecture?  

J’aime courir et c’est une habitude que j’ai prise pendant la pandémie lorsque tous les centres d’entraînement étaient fermés. C’est devenu une façon de m’éclaircir les idées, de traiter tout ce qui se produit et de me calmer. J’ai terminé ma première course de 10 km il y a quelques années et je me prépare pour une autre course qui aura lieu un peu plus tard ce printemps.

Quels conseils donneriez-vous aux personnes qui désirent s’impliquer davantage dans des causes de sensibilisation liées à l’architecture?

Il est parfois difficile, tant mentalement qu’émotivement, de créer le changement structurel, parce qu’il y aura inévitablement de l’opposition. L’un de mes auteurs préférés, Mohsin Hamid, a fait remarquer lors d’une récente entrevue que de nombreux mouvements politiques de notre époque semblent être motivés par la peur et les récits pessimistes. La façon de contrer ce pessimisme, a-t-il dit, n’est pas de le combattre de front, mais plutôt d’accomplir le dur travail « d’imaginer et d’énoncer » ce à quoi ressemblerait un avenir optimiste.

J’ai appris à aborder le plaidoyer non pas comme une façon de faire changer d’avis nos opposants, mais comme une façon de faire de la place aux personnes déjà engagées dans la décarbonation, le respect des droits et des points de vue autochtones, l’équité et la justice sociale. En sensibilisant à ces questions, nous pouvons créer une masse critique pour soutenir les questions qui nous importent, créer une plateforme pour un dialogue significatif et amplifier des voix diversifiées et représentatives.  

Comment intégrez-vous l’équité, la diversité et l’inclusion dans votre milieu de travail, dans l’environnement bâti et dans votre bénévolat?

Dans le domaine de la conception et de l’environnement bâti, l’EDI commence par la compréhension des personnes qui participent aux processus décisionnels pour nous assurer qu’elles reflètent la diversité de la communauté que nous servons. Dans notre profession, je suis toujours enthousiaste à l’idée de m’engager auprès des étudiants en architecture et de leur offrir un mentorat en tant que critique d’atelier ou dans le cadre de conférences. En tant que femme racialisée, je pense qu’une représentation diversifiée dans ces rôles est importante pour les praticiens de la relève. Je suis également fière de participer à des événements qui visent à éliminer les obstacles, comme la prochaine clinique d’examen de portfolios de la Toronto Society of Architect, qui est gratuite, ou l’atelier de formation sur la réduction des émissions de carbone de l’IRAC, qui offre un soutien supplémentaire aux personnes qui ont besoin de mesures d’équité pour assister à l’atelier en personne.