Entrevue avec Kourosh Mahvash | Institut royal d'architecture du Canada

Entrevue avec Kourosh Mahvash

Pourquoi avez-vous décidé de devenir architecte?

Dès mon plus jeune âge, j’ai voulu, comme bien d’autres, devenir ingénieur, car en Iran, le génie est considéré comme une profession prestigieuse et, fait intéressant, en Iran, l’architecture est appelée génie architectural. Par exemple, mon diplôme de l’Université de Téhéran n’a pas été décerné par la faculté des beaux-arts, mais par la faculté de génie. C’est donc une zone entre l’art, l’architecture et la construction. C’est ce qui m’a vraiment fasciné lorsque j’étais jeune étudiant et c’est la raison pour laquelle j’ai décidé de devenir architecte.
 

Depuis combien de temps êtes-vous membre de l’IRAC et quelle est la valeur de votre adhésion à vos yeux?

Je suis membre de l’IRAC depuis le début de 2013, donc depuis environ 9 ans. Comme je me suis toujours intéressé à la recherche et au volet académique de l’architecture, l’adhésion était intéressante pour moi, car je ne voulais pas faire les démarches pour obtenir un permis d’exercice de l’architecture, d’autant plus qu’il n’est pas nécessaire de détenir un permis d’architecte pour réaliser certains projets de petite envergure au Canada. C’est en travaillant comme chercheur pour le magazine SMA architecture and design à Vancouver que j’ai découvert que mon statut d’employé me permettait de devenir membre de l’IRAC. En devenant membre de l’IRAC, j’ai trouvé un lien très fort avec la communauté architecturale. 

Les architectes de l’étranger qui désirent obtenir un permis d’exercice au Canada doivent surmonter de nombreux obstacles bureaucratiques et administratifs qui leur rendent la tâche fastidieuse. Le Conseil canadien de certification en architecture évalue et reconnaît les diplômes de l’étranger, mais le processus qui mène à l’obtention du permis est complexe, long et coûteux. C’est pourquoi  l’architecte de l’étranger trouvera qu’il est plus simple et plus rapide d’adhérer à l’IRAC s’il désire faire partie de la communauté architecturale. Si vous travaillez dans un bureau d’architectes et qu’un membre de l’IRAC appuie votre demande, l’IRAC accepte votre diplôme de l’étranger et votre expérience de travail au Canada et vous admet comme membre.
 

Pourquoi vous impliquez-vous bénévolement auprès de l’IRAC?

Pour moi, il est important d’entretenir des liens avec une communauté professionnelle et le bénévolat facilite le rapprochement de personnes aux vues similaires au sein de cette communauté. Le bénévolat donne donc plus d’occasions de se rapprocher d’une communauté professionnelle. De plus, c’est aussi amusant, et je trouve que c’est une activité sociale qui favorise l’engagement dans le processus. Pour cette raison, j’apprécie vraiment mon implication ici et c’est une expérience merveilleuse.
 

Qu’est-ce qui vous semble le plus difficile dans le travail d’un architecte?

Comme je l’ai dit, je ne suis pas un architecte autorisé à exercer l’architecture à titre de détenteur d’un permis d’exercice et je me concentre sur la recherche et l’enseignement. J’enseigne donc le design et le design architectural à temps partiel. Le plus difficile, à mon avis, c’est que le design est présent partout, mais le design architectural, c’est différent. Bien sûr, il y a des questions liées au lieu, à la culture et à l’identité, et à la manière dont ils se reflètent dans différents endroits. Mais il y a une question qui m’a toujours intrigué : comment se fait-il que les architectes diplômés de l’étranger ne soient pas reconnus ici? 

Par exemple, mon propre superviseur, lorsque j’étais à l’Université Dalhousie, était un architecte autorisé à exercer la profession au Royaume-Uni. Comment se fait-il que son permis britannique ne soit pas reconnu ici, alors qu’il était diplômé de l’AA et qu’il avait travaillé pour certains architectes de renom, comme James Stiirling et Ian Ritchie. Je pense qu’il s’agit là d’un énorme fardeau et d’un grand obstacle pour de nombreux architectes qui souhaitent pratiquer l’architecture ici au Canada, mais qui doivent faire face à de nombreux obstacles bureaucratiques avant de pouvoir contribuer de manière significative à la profession. La bonne conception est universelle et l’endroit où quelqu’un a étudié ne devrait pas avoir d’importance, surtout si ses compétences ont déjà été reconnues ailleurs.
 

Pourquoi ce domaine de défense des intérêts est-il important pour vous? 

Comme vous le savez, je suis membre du comité consultatif sur la promotion de l’équité et de la justice parce que cela me tient à cœur. J’ai déménagé de Vancouver à Waterloo en 2016 pour poursuivre mes études de doctorat. Avant mon arrivée ici, je vivais à proximité du centre-ville, dans un quartier appelé Gastown et j’étais consultant en durabilité. Dans le cadre de mon travail, j’ai toujours entendu dire que la durabilité comprenait des volets environnemental, social et économique, mais je me suis toujours demandé où était le volet social. Je me suis donc intéressé à cette question et le fait de vivre dans ce quartier de Vancouver m’a permis d’être le témoin quotidien des problèmes sociaux auxquels la plupart des villes sont confrontées et auxquels la plupart n’apportent pas suffisamment de solutions. Je voyais notamment des problèmes de dépendance et d’accessibilité, et c’est ce qui m’a donné le goût de me pencher sur les problèmes sociaux en contexte architectural dans ma thèse de doctorat. Par conséquent, lorsque j’ai appris la création de ce comité l’année dernière, j’ai su immédiatement que je voulais y participer, car c’est une question qui me tient à cœur. J’ai eu la chance de ne pas être victime de ces injustices, mais je suis tout de même un immigré et une personne de couleur, et je suis considéré par certains comme un étranger, donc ces questions me touchent personnellement. Par conséquent, je pense qu’il était important que je puisse porter ce point de vue d’une personne de couleur à l’attention de l’IRAC et que je réfléchisse à mon expérience pour montrer ce que cela signifie d’être une minorité dans la profession architecturale.
 

Selon vous, qu’est-ce qui va le plus modifier ou façonner la pratique de la profession au cours des cinq prochaines années?

Je pense réellement que les questions d’inclusion, de justice sociale et de diversité ne faisaient pas l’objet de discussions intenses il y a 10 ans. Je crois donc que le véritable changement se produira au cours de la prochaine décennie dans ces domaines qui touchent non seulement notre profession, mais aussi l’ensemble de la société. Je suis très optimiste quant au fait que ces questions seront beaucoup plus présentes dans nos discussions, dans notre profession et, espérons-le, dans l’environnement bâti que nous créons.
 

Quel rôle voyez-vous l’IRAC et les architectes jouer sur les plans de [l’action climatique / la vérité et la réconciliation / la réforme de l’approvisionnement / etc.]?   

Je me réjouis de voir que l’IRAC a déjà créé plusieurs comités ou groupes de travail pour au moins discuter de ces questions, alors je trouve que ce sont des initiatives merveilleuses que l’IRAC a lancées. Mais ce qui est encore plus important à mon avis, c’est ce qui va suivre et le type de mesures et d’actions réelles et tangibles que prendra l’IRAC. Reconnaître qu’une chose existe, c’est bien, mais il est encore plus important et plus difficile de commencer à instaurer un réel changement sur la base de ce que nous reconnaissons.
 

Qu’aimez-vous faire en dehors de l’architecture?

J’aime vraiment conduire, même si je ne suis pas un passionné de voitures, mais j’aime conduire, car je trouve cela apaisant et que ça m’incite à méditer, surtout lorsque je suis à la campagne. Je sais bien que ce n’est pas très écologique, et je n’en suis pas particulièrement fier, mais c’est mon plaisir coupable.
 

Quel conseil donneriez-vous aux personnes qui désirent s’impliquer dans des causes de défense des intérêts reliés à l’architecture?

Impliquez-vous et donnez votre point de vue. Exprimez-vous, quelle que soit la cause qui vous tient à cœur. L’IRAC offre de nombreux forums pour cela et c’est une bonne chose, parce que si nous ne nous exprimons pas, comment pouvons-nous espérer un changement? Le changement ne se produit que si nous le poussons activement et de manière proactive, et la première étape à cette fin, c’est d’exprimer ce que nous pensons.